Réunion avec le Sénat

Le soleil était haut dans le ciel, l’après midi commençait. Eterdaäz était entrée dans la grande salle, accompagnée de sa conseillère et de plusieurs gardes qui s’assuraient que personne d’autre que les sénateurs entre dans la salle. Le triskel brisé reposait au milieu de la table avec le livre, flottant dans les air. Les trois morceaux étaient exactement à la même distance l’un de l’autre. L’impératrice prit place au bout de la table, regardant par la fenêtre les nuages qui passaient.

Elle n’était pas enchantée d’avoir du se rendre ici, à la réunion qu’elle-même avait prévue. Une nouvelle rencontre avec certains sénateurs n’était réellement pas la bienvenue. Visiblement, personne n’avait d’avance, elle était seule dans la salle avec Marydahal qui était assise à sa droite.

Elle croisa les doigts, ses mains posées sur la table. Ceux qu’elle attendait arriveraient probablement bientôt et ils se battraient dans une conversation endiablée. Et cela si tout se passait bien. L’un d’eux pourrait également tenter de tuer la souveraine, jugeant que c’était son tour de gouverner l’empire. Oui, Eterdaäz dramatisait un peu cette rencontre.

Son père les avait toujours aimées. Il faut dire que lui, était plutôt apprécié des royaumes. Elle décroisa les doigts, toujours aussi nerveuse et entreprit de respirer et d’être plus calme. Elle contempla les trois places vides autour de la longue table, puis son regard se posa une fois de plus sur le triskel. Il serait probablement la pièce maîtresse de la discussion. Si on pouvait bien sûr appeler une discussion ce qui allait se produire.

Elle se redressa brusquement en entendant des bruits de pas dans les escaliers, quelqu’un arrivait.

Ce "quelqu'un" était Sédéhie. Le guérisseur qui l'avait soignée, suite à sa blessure, lui avait ordonné de prendre du repos. Ainsi, les seules activités que le Sénateur pouvait faire étaient les ballades dans les palais impérial et discuter avec les gardes. La commandante des armées du Syltarien aurait très bien pu retourner à son royaume, mais l'Impératrice avait fixé une réunion à la Table du Savoir. Les trois Sénateurs étaient présents à Davek'Merna et la suzeraine en avait profité. Sédéhie n'avait toujours pas croisé ses "collègues". Tant mieux pour eux.

Les gardes ouvrirent les portes de la salle et firent entrer la guerrière. L'Impératrice et la conseillère étaient déjà présentes. La ministre mit un genou à terre pour saluer sa Majesté, puis, sans un mot, se dirigea vers la place qui lui était réservée. Sédéhie resta debout près de son siège. L'étiquette voulait que les trois Sénateurs restent debout jusqu'à ce que la réunion du Sénat commence et que l'Impératrice leur fasse signe de s'asseoir. Bien que cette coutume n'enchantât pas la dirigeante du Syltarien, celle-ci s'y pliait.

Sédéhie se promit qu'au cours de la réunion, elle dirait sa façon de penser à la Sénatrice de l'Aervallie qui avait envoyé ses hommes attaquer Coreäk'Manir. D'accord, Sédéhie avait elle aussi attaqué le village de Narhyu lorsqu'elle avait appris que le Triskell avait été brisé, accusant le royaume des trois sommets. Cependant, dans l'esprit borné de la guerrière du Syltarien, ce n'était pas là une bonne raison pour se venger. Après tout, combien de morts y avait-il eu, à l'attaque de Narhyu? Une cinquantaine, tout au plus? Au Diamant, la Sénatrice était prête à parier qu'il y en avait eu près de deux cent.

Appuyée sur le dossier de son siège, Sédéhie commençait à s'impatienter et à accuser les Sénateurs de faire exprès pour arriver en retard. En fait, la réunion ne devait commencer que dans une dizaine de minutes, alors c'était elle qui était en avance. Mais dans la tête de la commandante des armées du Syltarien, si elle était arrivée avant l'heure indiquée, tous les autres devaient faire pareil. Enfin... le Sénateur de l'Alkareth arriverait sûrement en retard, comme à son habitude.

Pourvu que la réunion ne commence pas trop tard...

Après d’interminables minutes, des bruits échos se fient entendre. C’était Selaryel qui marchait toujours avec son pas lent et relaxé. Malgré les apparences, Selaryel est un jeune homme assez timide qui ne s’était toujours pas habitué à l’impératrice. Cela faisait un peu moins d’un an que l’aîné des Evenkorth était au pouvoir, pourtant, il se trouvait toujours quelque peu inconfortable en présence de sa majesté.

Selaryel s’était maintenant arrêté devant la porte. Il inspira profondément et, avec incertitude, posa lentement sa main sur la massive poignée. Il la tourna avec une lenteur, telle qu’on n’entendit pas le moindre grincement dans la salle. Il ouvrit un peu la porte restant caché derrière elle, n’osant pas se montrer le bout du nez. Encore une fois, il reprit une bonne gorgée d’air et sortit de sa cachette.

D’un pas plus prononcé cette fois-ci, il se dirigea en direction de la souveraine et dit le traditionnel salut. Il se releva et se pencha en direction de Sédéhie, la saluent avec beaucoup moins de formalités pour des raisons plus qu’évidentes.

En y pensant bien, Sédéhie aussi, impressionnait le jeune Sénateur Alkareth, mais pour elle, c’était plus de la peur. Après tout, c’était une femme forte, une guerrière, lui, non. Du moins, il n’était certainement pas une femme.

Il se mit à marcher tranquillement en direction de son siège. Bien que son pas était lasse et prudent, il réussit quand même à trébucher. Manquant totalement de réflexes, il atterrit, face première, sur le plancher. Il se redressa, honteux, mais à la fois amusé, prit un mouchoir de tissus qu’il avait prit l’habitude de toujours traîner avec lui et essuya le sang qui coulait abondamment de son nez. Il se mit à rire de lui, se trouvant bien drôle de tomber à la réunion de la table du savoir. Puis, il leva les yeux sur les deux jeunes femmes présentes, question de voir leur réaction, tout en se plaçant derrière son siège, comme si de rien était.

Anië avait bien eu du mal à se débarrasser d'une jeune mendiante croisée sur la route. Celle-ci avait jugé que la bourse de la sénatrice était bien pleine et s'était mis en tête de lui extirper quelques pièces d'or. Au bout de dix minutes, la jeune femme avait réussi à obtenir assez d'argent pour se nourrir pendant une semaine, ce qui avait fait vraiment plaisir à son petit garçon. Mais pendant ce temps-là, Anië se voyait en retard pour la réunion.

Du moins le pensait-elle, car une fois arrivée à la Tour, elle s'était rendue compte qu'elle était pile à l'heure. Elle avait bien envisagé de ne pas venir, car cette réunion signifiait qu'elle allait forcément croiser la sénatrice de Syltarien. Celle-ci avait attaqué une de ses villes, et cela n'avait pas beaucoup plu à Anië.

Une fois arrivée devant l'entrée de la salle de la Table du Savoir, elle se retint de repartir dans l'autre sens et d'envoyer une lettre remplie d'excuses confuses sur son absence à la réunion. Mais heureusement, ou malheureusement, la sénatrice de l'Aervallie n'était pas du genre à se dérober aussi facilement, et elle entra d'un pas assuré.

Etonnée, elle constata que quelqu'un avait réussi à tomber sur le sol, et que ce quelqu'un était le sénateur d'Alkareth. Se retenant de sourire, elle fit à son tour le salut à l'Impératrice, en fit un autre visiblement moins respectueux vis-à-vis de Sédéhie, et finalement, se tourna vers Selaryel.

Une fois qu'elle eut terminé les politesses, elle se dirigea paisiblement vers son siège. Elle resta debout, respectant les traditions. Un rapide coup d'oeil à Sédéhie lui apprit que l'affaire n'était pas oubliée et elle se retint de soupirer; le débat allait être très...enflammé. Surtout, la souveraine semblait très tendue. Il est vrai qu'elle n'avait pas été facilement acceptée, mais Anië s'était fait une raison.

Une fois les trois sénateurs présents, la sénatrice de l'Aervallie attendit que sa souveraine prenne la parole, appréhendant ce qui allait certainement se passer.

Sédéhie entra rapidement et s’inclina devant Eterdaäz qui lui rendit son salut d’un signe de tête. L’arrivée rapide de la sénatrice ne l’avait pas étonnée. De temps où son père gouvernait, ce dernier racontait souvent à sa fille unique les réunions du conseil. Le silence régnait désormais dans la grande salle, un silence lourd et stressant. On entendait même des personnes parler dehors, dans les grandes rues. Pourtant, la tour était haute.

L’Impératrice prit alors une respiration forcée, question de se calmer un peu. Depuis l’arrivée de Sédéhie, elle s’était elle-même levée derrière son siège. Le temps passait, minute par minute, seconde par seconde. Après un moment qui avait semblé interminable, Selaryel, le sénateur de l’Alkareth, fit également son entrée. Une entrée assez remarquée il faut dire. Après s’être incliné devant la souveraine, il tomba sur le plancher.

En le voyant se relever, le nez en sang, Eterdaäz ne put réprimer un tressaillement en se mettant à la place du jeune homme. Heureusement pour lui, il avait un mouchoir et s’en servi.

Encore un peu après, Anië arriva à son tour. Après l’avoir poliment saluée de la tête, Eterdaäz s’assit, faisant signe aux sénateurs de prendre également place sur leurs siège.

L’impératrice avait rapidement remarqué une certaine tension entre Anië et Sédéhie. Il était vrai que les deux royaumes étant en guerre, la réunion allait être assez explosive. Sédéhie presque entièrement rétablie, l’impératrice se dit que les murs allaient presque en trembler.

Eterdaäz posa ses mains sur la table et jeta un dernier regard sur le triskel avant de commencer.

-Avant d’ouvrir le conseil, j’aimerais que chacun réfléchisse à la raison pour laquelle je vous ai convoqués. L’heure est grave, sénateurs. L’Empire faiblit. Les déesses semblent peu à peu nous abandonner. Pourquoi? Quand est la dernière fois où Erzelle est apparue au temple?

Elle marqua une pose, faisant un rapide regard d’ensemble. Il était temps que cette fichue réunion commence.

-Le conseil est ouvert, dit-elle.

C’était le moment de régler les conflits, ou même peut être de les aggraver. Seuls les sénateurs en décideraient.

Le temps semblait prendre un malin plaisir à faire enrager le Sénateur du Syltarien. Sédéhie, la main sur le dossier de son banc, pianotait dessus et regardait un peu partout autour d'elle. Les autres Sénateurs n'étaient-ils pas assez responsables et ponctuels pour arriver quelque part à l'heure?

La dirigeante du Syltarien porta son attention sur l'Impératrice de Nuadeth et sa conseillère. Eterdaäz semblait un peu nerveuse. Sédéhie ne put s'empêcher de penser qu'elle n'était peut-être pas encore assez mûre pour présider les réunions du Sénat. La souveraine était encore bien jeune...

La guerrière leva les yeux vers le Triskell. Elle fronça les sourcils. Le Syltarien n'était pas coupable de son bris. Si l'un des royaumes était coupable, ce devait être soit celui de l'Alkareth ou l'Aervallie. Enfin... l'Alkareth possèdait un alibi qu'il ne fallait pas négliger : son Sénateur était particulièrement paresseux. Anië devait donc être la coupable ou, tout du moins, son royaume. Et puisque cette petite bonne femme au visage semblable à la porcelaine était la Sénatrice de l'Aervallie, même si le coupable n'était pas elle, c'était un sujet de son royaume. Dans tous les cas, Anië était en partie concernée et responsable selon Sédéhie.

Ses amères pensées envers la magicienne furent interrompue par l'arrivéée de Selaryel, le Sénateur de l'Alkareth. Chose qui surprit la guerrière, puisque d'habitude, il était toujours en retard. Le Sénateur salua l'Impératrice et se dirigea vers son siège. Avant qu'il n'ait pu l'atteindre, il s'étala de tout son long sur le plancher. Sédéhie roula les yeux. Paresseux et maladroit par dessus le marché! Bien que son défunt père fut cruel, il dirigeait son royaume d'une main de fer. À quoi ressemblerait bientôt l'Alkareth si son dirigeant manquait de vivacité?

À peine Selaryel était-il tombé que quelqu'un d'autre entra dans la grande salle. La nouvelle venue s'attira alors un regard noir de la part de Sédéhie. En effet, la jeune femme qui venait de pénétrer d'un pas un peu trop assuré au goût du Sénateur du Syltarien n'était nul autre que la Sénatrice de l'Aervallie, Anië. Celle-ci, escortée par les deux émeraudes flamboyantes de sa rivale, s'inclina devant Eterdaäz. En se relevant, Anië salua Sédéhie avec froideur. Inutile de préciser que la commandante des armées du Syltarien ne daigna pas de le lui rendre. Elle reporta son attention sur la jeune souveraine, qui leur fit signe de s'asseoir. Chose que les trois Sénateurs firent avec synchronisme.

« Avant d’ouvrir le conseil, j’aimerais que chacun réfléchisse à la raison pour laquelle je vous ai convoqués. L’heure est grave, sénateurs. L’Empire faiblit. Les déesses semblent peu à peu nous abandonner. Pourquoi? Quand est la dernière fois où Erzelle est apparue au temple? »

Sédéhie savait bien que Eterdaäz faisait allusion au conflit qui régnait entre les trois dirigeants -en particulier entre les deux Sénatrices. Pourtant, la femme du Syltarien ne lâcherait pas prise tant qu'elle saurait qui a détruit le Triskell.

L'Impératrice ouvrit le conseil. Lors de ses premières réunions avec le Sénat, alors qu'elle se faisait encore passer pour un jeune garçon, Sédéhie n'ouvrait jamais la discussion. Or, depuis qu'elle avait avoué sa véritable identité, elle l'ouvrait presque toujours. Le regard aussi ardent que les flammes, elle inspira profondemment avant de prendre la parole.

- Je tiens à commencer la réunion par une remarque, Majesté. Pas plus tard qu'hier, les troupes de l'Aervallie mettaient à feu et à sang le village de Coreäk'Manir, au Syltarien.

Ses paroles furent ponctuées par un froncement de sourcil en direction d'Anië.

- Ce n'était pas là un combat à la loyale, armée contre armée, mais bien des soldats contre des villageois. J'accuse donc la Sénatrice de l'Aervallie d'avoir tenté de conquérir le Syltarien ou, tout du moins, le rayer de la carte.

Sédéhie était en colère. Rares étaient les fois où elle était de joyeuse humeur depuis que le Triskell fut brisé, bien qu'elle était quelqu'un de jovial et bavard. Elle se doutait bien que la Sénatrice de l'Aervallie répliquât d'un moment à l'autre. Le Sénateur serait prêt à riposter.

Ayant longuement réfléchi avant d'accepter d'assister à la réunion, Anië avait décidé d'éviter de mettre trop mal à l'aise la jeune souveraine. Ce n'était pas sa faute, après tout, si la sénatrice du Syltarien avait décidé d'attaquer l'Aervallie. Gardant en mémoire le souvenir du paysage dévasté de sa ville, la sénatrice respira calmement et fit de son mieux pour ne pas lancer un regard meurtrier à son adversaire.

« Le conseil est ouvert. »

Ces simples mots eurent l'effet instantané de rendre les choses tout de suite plus sérieuses. Aux yeux d'Anië, il n'était plus question d'une stupide rivalité entre sénatrices mais de la vie de milliers d'habitants. De plus, le mystère du Triskel n'était toujours pas résolu, et elle sentait que certaines personnes étaient prêtes à l'accuser, elle. Jamais elle n'aurait osé toucher à l'objet sacré, et elle tenait bien à le faire comprendre.

Elle se tourna brusquement vers Sédéhie en entendant ses paroles, qu'elle estima immédiatement exagérées. Pourquoi aurait-elle eu envie de posséder les terres du Syltarien? Tout ce qu'elle avait fait, c'était défendre son royaume. La magicienne n'était pas d'un naturel très combatif, mais ça ne l'empêcha pas de répondre d'un ton outré et accusateur:

- N'est-ce pas vous qui avez attaqué mon royaume la première? Ce fut une entreprise tout bonnement déloyale. Ce n'est pas moi qui suis en tort, mais vous!

Inspirant lentement pour garder son calme, la magicienne se retint de dire des choses qu'elle aurait pu regretter et posa ses mains sur ses genoux. Elle jeta un coup d'oeil à Eterdaäz, puis au jeune sénateur. S'efforçant de rester polie malgré ce qu'elle allait dire, elle regarda Sédéhie avec le moins de colère possible. Quitte à ce qu'il y ait quelqu'un qui perde son sang-froid, elle préférait que ce ne soit pas elle.

- Majesté, jamais je n'ai eu la moindre envie envie de prendre possession des terres de la sénatrice. Pourquoi en aurais-je eu envie, d'ailleurs? J'aime beaucoup mon royaume. Et pourriez-vous me dire pour quelle raison j'aurais eu l'idée de rayer de la carte le village de Coreäk'Manir? Aucun de ses villageois ne m'a jamais causé de problème.

Les mains toujours posées sur ses genoux, Anië fronça à son tour les sourcils, au souvenir des terres dévastées de Narhyu. Elle reprit d'une voix beaucoup plus forte:

- A présent, j'aimerais connaître les raisons qui ont pu pousser Dame Sédéhie à s'en prendre à l'Aervallie? Car, j'ai longtemps étudié la question avant d'autoriser mes soldats à se défendre, mais je n'ai pu trouvé la raison qui puisse justifier un tel acte.

Anië avait terminé. Pour l'instant. Elle savait que la sénatrice du Syltarien ne se laissait pas faire, même quand elle avait tort. Se laissant aller à observer le sénateur d'Alkareth, elle se dit que décidément, lui non plus ne serait pas épargné par Sédéhie. C'était un jeune homme paraissant un peu perdu, mais Anië savait que les habitants de son royaume l'appréciait.

Quant à Eterdaäz, l'expression de son visage était plus que claire. Elle redoutait certainement une explosion.

La réponse de l'autre Sénatrice ne se fit pas attendre. Sédéhie bouillait de colère. Elle avait, c'était vrai, attaqué Narhyu la première. Pourtant, aux yeux du Sénateur, ses raisons étaient bonnes. Elle avait envoyé ses troupes à Narhyu peu de temps après le bris du Triskell. Il ne lui faisait aucun doute qu'Anië était l'auteure de ce désastre. Le symbole étant un objet magique, il semblait à Sédéhie que seul un magicien pourrait le détruire. La Sénatrice de l'Aervallie étant magicienne et ayant souvent accès au Triskell, il paraissait évident au Sénateur du Syltarien que ce devait être elle la coupable. L'attaque de Narhyu n'était qu'un avertissement et une façon de montrer à cette magicienne au visage de porcelaine qu'elle savait ce qu'elle avait fait. Mais Anië était-elle vraiment celle qui a brisé le Triskell? Si cette réponse paraissait aussi claire que le cristal à la commandante des armées du Syltarien, il ne fallait pas oublier non plus qu'aucune preuve permettait de définir le véritable coupable.

Sédéhie était peut-être en tort, mais l'autre Sénatrice n'était pas blanche comme neige non plus. Anië avait envoyé son armée au village de Coreäk'Manir, l'Impératrice et la conseillère de Nuadeth pourraient en témoigner. Quelles que soient ses raisons, le Sénateur était prête à affirmer qu'elles n'étaient pas bonnes. D'ailleurs, si cela n'était pas par vengeance ou pour s'emparrer du Syltarien, elles étaient même plutôt louches. Anië était peut-être vraiment la coupable et elle avait tenté d'éliminer celle qui l'avait accusée, afin de l'empêcher crier son crime sur tous les toits?

Le Sénateur avait les poings serrés sur ses cuisses et la mâchoire endolorie par la pression qu'elle exerçait sur ses dents. Cette magicienne de pacotille qui se disait Sénatrice désirait retourner tout le tort vers elle. Sédéhie, après les propos qu'elle jugeait impertinents et odieux d'Anië, n'y tenait plus et abattit son poing sur la table. À demi-levée, ses yeux plantés dans ceux de son ennemie, la guerrière ne faisait plus rien pour tenter de dissimuler sa rage.

- Justifier un tel acte?! Pardon?! Je vous rappelle que j'ai toutes les raisons de vous accuser d'avoir brisé le Triskell! Les réunions à la Table du Savoir et mes visites à Davek'Merna étant rares, je n'ai simplement pas pris le temps de faire part de mes soupçons à sa Majesté Eterdaäz, Impératrice de Nuadeth! D'ailleurs, cela tournait à votre avantage! Si j'avais prévenu sa Majesté, il n'y aurait pas seulement eu l'armée du Syltarien aux portes de votre royaume, mais plusieurs bataillons d'élémentalistes et nous aurions fait quérir l'armée de l'Alkareth.

Fulminante de colère, Sédéhie s'arrêta pour reprendre sa respiration. Encore une fois, elle exagérait tout. C'était plus fort qu'elle.

- Et puis-je connaître vos raisons d'avoir attaqué Coreäk'Manir, ne vous déplaise? demanda-t-elle d'un ton cinglant. C'était tout aussi déloyal, et même plus!

Tous pourraient croire que le Sénateur en mettait encore un peu trop. Elle-même avait été particulièrement lâche d'attaquer un village sans grande protection militaire. Mais Sédéhie maintenait son bout : après tout, elle avait ordonné à ses hommes de se contenter de détruire les bâtiments. Certes, il y avait eu des morts, mais moins qu'au Diamant, cela, c'était certain. Et c'est partie ceci qui enrageait le plus la guerrière du Syltarien. Coreäk'Manir aurait pu être complètement rasé, si tous ses habitants étaient restés vivants, elle n'en aurait pas fait grand cas. Enfin... Cela aurait été réglé par un amende et un (léger) coup de poing à ce visage trop blanc et trop parfait.

Sédéhie aurait poursuivi, mais elle fut interrompue par l'Impératrice.

Le regard de l’Impératrice allait rapidement d’Anië à Sédéhie, puis de Sédéhie à Anië, ainsi de suite. Chacune disait son point de vue de manière plus que franche. Eterdaäz faisait bien attention à chaque mot prononcé, espérant qu’il révèlerait une faiblesse de l’une ou de l’autre. Cette réunion était presque exactement comme elle l’Avait prévue, bouillante. Si ça n’arrêtait pas, Sédéhie allait probablement monter sur la table et frapper Anië au visage. Enfin… telle était l’impression que donnait la sénatrice aux yeux de l’adolescente.

« Justifier un tel acte?! Pardon?! Je vous rappelle que j'ai toutes les raisons de vous accuser d'avoir brisé le Triskell! Les réunions à la Table du Savoir et mes visites à Davek'Merna étant rares, je n'ai simplement pas pris le temps de faire part de mes soupçons à sa Majesté Eterdaäz, Impératrice de Nuadeth! D'ailleurs, cela tournait à votre avantage! Si j'avais prévenu sa Majesté, il n'y aurait pas seulement eu l'armée du Syltarien aux portes de votre royaume, mais plusieurs bataillons d'élémentalistes et nous aurions fait quérir l'armée de l'Alkareth. »

Eterdaäz prit une respiration, se préparant à parler mais encore une fois, Sédéhie fut plus rapide qu’elle pour ouvrir la bouche. Comment son père faisait-il pour garder l’autorité? Elle le trouverait bientôt.

« Et puis-je connaître vos raisons d'avoir attaqué Coreäk'Manir, ne vous déplaise? C'était tout aussi déloyal, et même plus! »

Aussitôt que ces mots furent prononcés, l’Impératrice se leva brusquement et posa à plat ses deux mains sur la table. Ce furent les mots de trop. Il y avait toujours eu un froid entre Eterdaäz et la sénatrice du Syltarien. Pourquoi? Probablement parce qu’au yeux de Sédéhie, l’impératrice était encore une enfant et ne méritait pas de gouverner. Quant à Eterdaäz, elle n’avait jamais comprit pourquoi son père avait accepté de laisser le Syltarien, ce royaume si digne, si beau et si riche, à cette espèce de folle outrecuidante?

-Assez! Cria-t-elle. Est-ce là une discussion convenable?

Elle n’attendit pas de réponse et se tourna vers Sédéhie, la fusillant du regard. Comment osait-elle prévoir des décisions de deux armées qui n’étaient pas siennes?

-J’ignore si mon père laissait passer ce genre de commentaires, Sénateur. Mais avec moi, cela ne tiens plus. Si vraiment vous avez des raisons de croire l’Aervallie coupable, je vous demanderait de m’en faire part immédiatement que j’en sache un peu plus.

Elle prit une respiration avant d’ajouter :

-Ainsi je pourrais juger moi-même s’il aurait été nécessaire d’envoyer mon armée ainsi que celle de l’Alkareth attaque l’Aervallie. Vous ne croyez pas?

Elle reprit place sur sa chaise et attendit, un demi-sourire aux lèvres. Elle n’avait pas l’intention de tout laisser aux mains du Syltarien, surtout s’il était gouverné par Sédéhie. Si vraiment elle avait ses raisons, elle les dirait.

Anië, contenant tant bien que mal toute la colère qui bouillonnait en elle, se contentait de fixer la sénatrice d'un air outragé. Comment osait-elle lui porter de telles accusations? Elle s'était bien doutée que Sédéhie pensait que l'Aervallie était responsable du malheur du Triskell, mais au point de l'affirmer devant l'Impératrice...
En tant que magicienne, Anië savait qu'il était impossible de briser un objet sacré tel que le Triskell, il s'agissait donc certainement de forces divines ou beaucoup plus puissantes que ce qu'on pouvait imaginer, mais des hypothèses ne résoudraient pas le problème.

Reportant son attention sur la jeune femme essoufflée, Anië comprit que celle-ci était fermement convaincue de la véracité de ses propos. Elle ne s'en démonta pas pour autant. Elle savait que jamais elle n'avait touché au Triskell, et elle tenait bien à le faire comprendre à chaque personne présente dans la salle.

« Et puis-je connaître vos raisons d'avoir attaqué Coreäk'Manir, ne vous déplaise? C'était tout aussi déloyal, et même plus! »

Elle s'échauffait, et avec un peu de malchance, elle bondirait sur celle qu'elle accusait avec autant de rage qu'une Sénatrice en colère pouvait en avoir. C'était sérieusement l'impression qu'elle donnait. Et soudain, Eterdaäz se leva et posa ses mains sur la table. Apparemment, ce que Sédéhie venait de dire ne plaisait guère à l'Impératrice.

« Assez! Est-ce là une discussion convenable? »

Anië tourna la tête vers la jeune personne. Décidément, Eterdaäz l'étonnait à chaque fois qu'elle la rencontrait. Le silence s'était instantanément installé, stoppant net le nouvel élan de fureur qui s'apprêtait à déferler de la bouche de la Sénatrice surexcitée. Les paroles que l'Impératrice prononça soulagèrent immensément Anië. Au moins, on admettait qu'aucune preuve de culpabilité n'accablait la magicienne, et c'était un bon point.

La sénatrice de l'Aervallie ne se permit pourtant pas de sourire. Elle n'avait pas oublié que la situation était délicate. Chacun des mots prononcés ici avait son importance. Et le naturel très calme et serein d'Anië prenait le dessus, donnant d'elle l'image d'une jeune femme paisible complètement étrangère à ce qu'il se passait. Mais contrairement aux apparences, elle était attentive aux moindres gestes de Sédéhie et d'Eterdaäz.

La question fatidique finalement posée, la magicienne se retourna une nouvelle fois vers celle qu'elle appréciait le moins dans cette salle. Sédéhie n'avait rien pour prouver ce qu'elle avançait, et elle le savait. Car, la vérité était là, Anië n'avait jamais touché au Triskell.

« Assez! Est-ce là une discussion convenable? »

Sédéhie s'était tue. Elle savait bien que si l'Impératrice l'interrompait ainsi, c'était à cause des propos hâtifs qu'elle avait formulé quelques instants plutôt. Après avoir foudroyé Anië du regard, le Sénateur se tourna vers Eterdaäz. Celle-ci venait de se tourner vers elle et la sermona. Sédéhie ne prononça pas un mot et se rassit. Elle n'écouta qu'à moitié les réprimandes de l'adolescente qui gouvernait Nuadeth. La mention du précédent Empereur -paix à son âme- lui avait rappelé de nombreux souvenirs, notamment ceux des réunions. Avec lui, jamais il n'y aurait eu de débats dans le genre. Il parvenait à trouver des solutions satisfaisantes pour les deux clans. Et s'il n'y parvenait pas, Sédéhie tenait sa langue. En ces temps-là, le Triskell était intact. Il y avait parfois quelques froids entre les trois royaumes, mais pas de guerres sérieuses. Mais surtout, Nuadeth était gouverné par un grand Empereur. La jeunesse et la naïveté d'Eterdaäz, selon le Sénateur du royaume de l'abondance, étaient trop importantes pour faire qu'elle fasse une bonne Impératrice. Alors, pourquoi Sédéhie devrait-elle courber l'échine devant elle et se taire, alors que tout l'Empire était menacé par une magicienne aux allures fragiles, mais ô combien énervante et talentueuse?

« Si vraiment vous avez des raisons de croire l’Aervallie coupable, je vous demanderait de m’en faire part immédiatement que j’en sache un peu plus. Ainsi je pourrais juger moi-même s’il aurait été nécessaire d’envoyer mon armée ainsi que celle de l’Alkareth attaque l’Aervallie. Vous ne croyez pas? »

Le Sénateur serra les poings. La petite suzeraine jouait son arrogante et sa "je-suis-Impératrice-inclinez-vous-devant-moi-obéissez-moi-et-taisez-vous"? Bien. Eterdaäz semblait prendre un malin plaisir à rappeler ses fautes aux autres ministres. Sédéhie ignora l'allusion à son empressement d'attaquer l'Aervallie. Elle prit une profonde inspiration avant de prendre la parole.

- Votre Majesté Eterdaäz de Davek'Merna, vous savez pertinemment qu'hormis vous, votre conseillère et les Sénateurs, personne ne peut pénétrer dans la Tour de l'Éternité. Elle est gardée par une poignée des meilleures sentinelles de l'Empire en permanence. Il est évident que le coupable est l'un de nous.

Elle s'interrompit un instant, le temps de s'éclaircir la gorge.

- Mais croyez-vous sincèrement que n'importe qui peut s'attaquer à un objet comme le Triskell? C'est un objet magique, votre Altesse! Jamais un humain ordinaire ne parviendrait à le fêler. Il faut de puissants pouvoirs pour briser un tel objet. Or, je vous rappelle qu'il y a une magicienne dans cette pièce.

Sédéhie ponctua ses paroles d'un regard accusateur envers Anië.

- Tous savent que la Sénatrice de l'Aervallie est une redoutable magicienne. Rares sont ceux qui n'admirent pas ses pouvoirs. Auriez-vous déjà oublié le sort qu'elle a jeté à son oncle?

Le Sénateur, ne pouvant faire passer sa colère par ses poings se contenta de fixer Anië avec toute la colère que pouvait contenir son regard pour la énième fois.

- Voilà pourquoi j'accuse Anië Sùrion, Sénatrice de l'Aervallie, d'avoir brisé le divin Triskell.

Anië avait du mal à rester assise sans avoir de crampes dans les jambes tant elle était crispée. Il était rare qu'elle perde son sang-froid, mais là, Sédéhie allait trop loin. De son point de vue, il était compréhensible qu'elle accuse la première personne venue, surtout quand tout désignait la Sénatrice de l'Aervallie coupable. Et pourtant, tout ce que disait Sédéhie était complètement faux. Il serait difficile de le faire comprendre à une telle tête de mule.
La magicienne soutint le regard haineux de la jeune femme, le visage impassible.

« Votre Majesté Eterdaäz de Davek'Merna, vous savez pertinemment qu'hormis vous, votre conseillère et les Sénateurs, personne ne peut pénétrer dans la Tour de l'Éternité. Elle est gardée par une poignée des meilleures sentinelles de l'Empire en permanence. Il est évident que le coupable est l'un de nous. »

Non, il n'était pas évident que le coupable soit l'un d'entre eux. Peut-être y avait-il un traître parmi les gardes, mais cette hypothèse, Anië en avait déjà fait part au Conseil lorsque le Triskell avait été brisé. De plus, un bon magicien était capable de tromper n'importe quel garde, nul besoin d'être aussi doué que la Sénatrice du Royaume des Sommets.
Les arguments de Sédéhie étaient très convainquants, mais il était tout bonnement impossible qu'Anië, aussi bonne magicienne soit-elle, ait pu jeter un quelconque maléfice à l'objet sacré.

« Voilà pourquoi j'accuse Anië Sùrion, Sénatrice de l'Aervallie, d'avoir brisé le divin Triskell. »

Anië voyait clairement l'aura de puissance et de colère qui émanait de Sédéhie. Etant magicienne, elle était plus sensible aux émotions des autres. Et à l'instant, la sénatrice était pleine de haine. Mais pas uniquement envers la magicienne. Elle en avait également à l'Impératrice, mais ça, elle n'allait bien sûr pas le dire ouvertement.
Finalement, Anië n'y tint plus. Elle se redressa et regarda tour à tour l'Impératrice et Sédéhie.

- Sénatrice du Syltarien! Apprenez que jamais je ne porte de jugement hâtif sur autrui, mais vous commencez sérieusement à me persuader que j'ai eu raison de laisser mes hommes riposter à votre attaque. Vous semblez sincèrement convaincue de ma culpabilité, or, vous apprendrez que je suis moi-même profondément choquée de ce qui est arrivé au Triskell.

Elle se tut quelques instants, accordant un regard à l'adolescente qui les gouvernait. Elle se tourna une nouvelle fois vers la jeune femme surexcitée. Aux yeux de la magicienne, la Sénatrice du Syltarien présentait une image défavorable à son royaume, même si elle était courageuse et ambitieuse comme tout le monde s'évertuait à le dire.

- Je suppose que pour oser aborder le sujet de mon oncle, ce cher Theldran, vous connaissez les raisons qui m'ont poussée à lui lancer ce sort? Vous comprendrez donc que jamais je n'agis contre mon royaume, et envers notre empire. Au contraire, depuis que je suis sénatrice, il me semble que j'ai toujours prôné la paix.

Anië se leva doucement de son siège et se tourna vers Eterdaäz, le visage toujours inexpressif.

- Altesse, j'oserai déclarer que les affaires familiales concernant mon oncle ne regarde que moi, car il y a bon nombre de choses à dire sur la Sénatrice du Syltarien, que je citerai pas. Je maintiens ma position et déclare que jamais je n'ai porté la main, ou le doigt ou n'importe quoi d'autre, sur l'Objet Sacré.

Elle se rassit, ne daignant plus accorder un seul regard à son adversaire. A présent, Anië n'avait plus rien à dire, elle laissa donc le soin à l'Impératrice de trancher. Selon les indices accusant la Sénatrice de l'Aervallie, on ne pourrait pas la dire coupable.

Depuis tout le début de la rencontre Marydahal était restée assise à droite de l’impératrice. Elle ne faisait qu’écouter sa sagesse en ne posant aucun gestes. Mais le silence qui s’était soudainement installé la rendait malade, de plus que le comportement de tous les membres présents. La conseillère se leva et regarda chacun des membres du conseil impérial avec un de ses regards perçants. Elle qui avait l’habitude d’être si souriante, fronça les sourcils et d’une voix désespérée, choquée et forte comme le vent d’une tempête, leur lança à tous une poignée de mots en pleine figure.

- Vous allez vous calmer, oui!…Vous êtes des membres haut placés dans cet empire! Et non de jeunes adolescents attardés qui se disputent, pour des mots qui ont été dit…ce ne sont que des mots. Vous êtes plus que ça! Nous devons demeurer solidaire, car ce n’est pas en se chamaillant que tout va se régler…Chacun a ses points faibles, mais aussi des points forts. Si nous agissons touts ensemble nous pouvons aboutir à quelque chose.

Marydahal s’assit de nouveau dans un calme insoutenable. Elle prit un certain temps pour penser à autre chose. Peu après ce moment, elle prit la peine de porter ses mains à son front comme signe de réflexion. Puis elle regarda l’assemblé et prit encore la parole.

-À mon humble avis…À vrai dire je ne saurais si devrais révéler mes pensés…Mais je crois sincèrement que les déesses seraient les auteurs tous nos problèmes…Mais pourquoi donc aurait-elle brisé le triskel et ne pas avoir non plus volé le livre?…Quelqu’un saurait répondre à mes questionnements?

Elle finit de parler, puis fixa d’un air interrogateur tous les membres du conseil impérial.

Eterdaäz approuva d’un signe de tête la requête d’Anië de laisser les histoires de famille en dehors du débat. Elle resta silencieuse un moment. D’ailleurs, tout le monde semblait s’être plongé dans un silence, un silence qui s’interrompu lorsque Marydahal, sa conseillère, se leva pour prendre la parole.

« Vous allez vous calmer, oui!…Vous êtes des membres haut placés dans cet empire! Et non de jeunes adolescents attardés qui se disputent, pour des mots qui ont été dit…ce ne sont que des mots. Vous êtes plus que ça! Nous devons demeurer solidaire, car ce n’est pas en se chamaillant que tout va se régler…Chacun a ses points faibles, mais aussi des points forts. Si nous agissons touts ensemble nous pouvons aboutir à quelque chose. »

L’Impératrice regarda sa conseillère se rasseoir, elle-même très calme. Ce comportement de la part de Marydahal l’avait grandement étonnée. Normalement, son bras droit se contentait de rester assise pendant toute la réunion.

« À mon humble avis…À vrai dire je ne saurais si devrais révéler mes pensés…Mais je crois sincèrement que les déesses seraient les auteurs tous nos problèmes…Mais pourquoi donc aurait-elle brisé le triskel et ne pas avoir non plus volé le livre?…Quelqu’un saurait répondre à mes questionnements? »

Eterdaäz jeta un regard circulaire sur le conseil, puis releva la tête. Elle tenait à remmener le respect, comme son père aurait su le faire.

-Ne croyez vous pas que parler ici des déesses est quelque peu déplacé? Nous ne sommes pas assis aujourd’hui pour accuser quelqu’un d’avoir briser le triskell mais plutôt pour trouver un terrain d’entente que chacun pourra apprécier.

Elle marqua une pause, reprenant son souffle.

-Je ne veux pas entendre parler de vos conflits personnels. Savez-vous au moins que des milliers de vie dépendent de ces ridicules conflits? Vous envoyez vos hommes se battre et pourquoi? Pour une supposition d’accusation? C’en est trop. Je l’ai dit, je le dit encore et ne le dirai jamais assez, comportez vous comme des sénateurs, par Erzelle et Nyxaera!

L’adolescente avait gardé son calme pendant ce monologue. Elle espérait pourtant que son message soit passé.

Anië avait craqué et riposté aux accusations de Sédéhie. Celle-ci, qui ne désirait que mettre en colère la Face de Porcelaine, en fut à demi satisfaite. Cette magicienne détestable et présomptueuse l'avait appelé "Sénatrice". Un éclair passa dans les yeux de Sédéhie. Elle n'appréciait pas particulièrement que l'on féminise le titre qu'on lui avait donné. C'est vrai, après tout, n'avait-elle pas été nommée "Sénateur" ? Bien qu'elle ait dévoilé sa véritable identité depuis sa nomination, la guerrière du Syltarien n'appréciait pas que l'on emploie le terme "Sénatrice" à son égard.

Et partager le même titre que cette harpie? Plutôt perdre mon honneur au combat!

Malgré tout, le Sénateur du Syltarien ne répliqua pas et laissa Anië parler, le goût amer de la colère aux lèvres. Les accusés, coupables ou non, avaient droit de se défendre. Mais Sédéhie ne put renchérir une fois que la magicienne eut terminé. Marydahal, la conseillère de Nuadeth, se leva, à bout de nerf. Elle rappela aux Sénateurs leurs responsabilités et leur fit un discours sur la solidarité.

Adolescents attardés... J'ai bien vieilli, depuis hier pensa avec ironie le Sénateur, les sourcils froncés.

Mais force fut d'admettre que Marydahal avait raison. Tous divisés, personne n'arriverait à rien. Mais pourquoi diable Sédéhie devrait-elle s'unir avec la Face de Porcelaine?! Enfin... La conseillère n'était peut-être seulement que de deux ans l'aînée de l'Impératrice, mais il semblait au Sénateur du Syltarien qu'elle possédait une lucidité et un sens de la justice beaucoup plus frappants que la souveraine.

« À mon humble avis…À vrai dire je ne saurais si devrais révéler mes pensés…Mais je crois sincèrement que les déesses seraient les auteurs tous nos problèmes… »

Sédéhie leva la tête vers Marydahal, les yeux ronds. Les déesses?

C'est insensé, se dit-elle. Si c'étaient elles, les pages du Livre auraient été arrachées et Nuadeth aurait probablement été détruit!

Il fallut quelques instants pour permettre à la guerrière de se remettre de sa stupeur. Instants qu'Eterdaäz utilisa.

« Ne croyez vous pas que parler ici des déesses est quelque peu déplacé? »

Sédéhie approuva d'un signe de tête. Néanmoins, elle se promit d'aller consulter la grande prêtresse à ce sujet.

L'Impératrice dit ensuite qu'il était temps de trouver un terrain d'entente entre les royaumes. Suite à cela, elle sermona à nouveau les Sénateurs -sermon que, comme d'habitude, Sédéhie n'écouta qu'à moitié. Cette dernière fixait le Triskell et le Livre. Même si Eterdaäz ne cherchait pas de coupable, elle se jura de mettre un nom sur l'auteur de ce crime et de le châtier de ses propres mains. Et tant pis si c'était quelqu'un du Syltarien -chose qui était, de toute façon, impossible.

Un bref moment de silence s'installa entre les membres du conseil. Sédéhie en profita pour ravaler sa frustration.

- Alors que proposez-vous? demanda-t-elle à l'intention de l'Impératrice et de sa conseillère. Les deux royaumes ont versé du sang pour cette... hum..."erreur". Ne sommes-nous guère acquittés de dettes?

Le Sénateur fixa les deux jeunes filles, les lèvres pincées.

Pendant un moment, Anië fut satisfaite de voir l'Impératrice approuver sa demande. La famille n'avait pas besoin d'être mêlée à ce Conseil. Conservant néanmoins une expression impassible, elle se demanda qui, en définitive, avait bien pu détruire l'objet sacré. Ses pensées furent troublées par l'intervention de la conseillère de l'Impératrice, la dénommée Marydahal, qui ne semblait pas très contente du comportement des membres du Conseil.

« Vous allez vous calmer, oui!…Vous êtes des membres haut placés dans cet empire! Et non de jeunes adolescents attardés qui se disputent, pour des mots qui ont été dit…ce ne sont que des mots. Vous êtes plus que ça! Nous devons demeurer solidaires, car ce n’est pas en se chamaillant que tout va se régler…Chacun a ses points faibles, mais aussi des points forts. Si nous agissons touts ensemble nous pouvons aboutir à quelque chose. »

La jeune magicienne dut reconnaître que celle-ci avait raison. Elle fut heureuse que Marydahal leur ai reprocher leurs attitudes.

« À mon humble avis…À vrai dire je ne saurais si devrais révéler mes pensés…Mais je crois sincèrement que les déesses seraient les auteurs de tous nos problèmes…Mais pourquoi donc auraient-elles brisé le triskel et ne pas avoir non plus volé le livre?…Quelqu’un saurait répondre à mes questionnements? »

Anië jeta un regard profond à la conseillère. Ses accusations étaient plus graves encore que celles que Sédéhie avait prononcées. Mais ce qu'elle disait était peut-être possible. Après tout, qui oserait se vanter de savoir ce que pensaient les déesses? Pas même les prêtres ne pouvaient affirmer connaître leurs véritables personnalités, après tout, ils ne faisaient qu'interpréter les présages.

En y réfléchissant bien, peut-être le Triskell avait-il été brisé par les divinités de Nuadeth, dans le but de mettre à l'épreuve chaque habitant et chaque dirigeant de l'Empire. Avant qu'elle n'ait le temps de proposer sa théorie, l'Impératrice les pria de ne pas parler des déesses.
Elle leur fit un petit sermon, mais la Sénatrice de l'Aervallie, bien que d'accord avec ces paroles, ne pouvait s'empêcher de penser au Triskell. Maintenant qu'on avait mis ce sujet sur le tapis, il serait dur de ne pas y revenir.

« Alors que proposez-vous? Les deux royaumes ont versé du sang pour cette... hum..."erreur". Ne sommes-nous guère acquittés de dettes? »

Pour une fois, Anië fut d'accord avec la Sénatrice du Syltarien. Elle mis de côté sa théorie sur l'éventualité des déesses briseuses de Triskell et regarda elle-aussi l'Impératrice et sa conseillère. Le bien être de son royaume était plus important à ses yeux que celui d'un objet divin.

« Alors que proposez-vous? Les deux royaumes ont versé du sang pour cette... hum..."erreur". Ne sommes-nous guère acquittés de dettes? »

Eterdaäz sembla réfléchir un moment. Si c’était ce que croyaient les sénateurs, autant dire que leur « légère » erreur était réglée. Ce qui est fait est fait, inutile de débattre longtemps sur ce sujet. La jeune fille se redressa sur sa chaise, jetant un regard circulaire au conseil.

-Oui, étant donné les circonstances, je crois qu’assez de sang a coulé pour régler cette « erreur » comme vous dites.

Elle marqua une nouvelle pose et posa ses mains sur la table. Maintenant que cette histoire semblait être plus ou moins réglée, ils allaient pouvoir en venir au principal, la destruction du triskel. D’ailleurs c’était avant tout pour cette raison qu’elle avait convoqué les sénateurs à la Table du Savoir.

-Maintenant, si vous le voulez bien, j’aimerais attirer l’attention sur la création du livre et du triskel par les Déesses. Selon moi, si les déesses avaient elles-mêmes brisé le triskel, il devrait y avoir une raison. Les royaumes sont-ils moins unis qu’avant? N’oublions pas qu’il est séparé en trois parties égales. Dans ce cas pourquoi le centre aussi (symbolisant Davek’Merna) est aussi séparé dans les trois morceaux, comme s’il n’y avait plus de centre?